Lu cet article d'une prof...
.http://www.lepost.fr/article/2009/05/21/1544896_petites-choses-scandaleuses-du-bac-qui-passent-comme-une-lettre-a-la-poste.html
Voici le texte:
Alors que M. Darcos projetterait de nous autoriser à fouiller les élèves, idée qui me révulse complètement parce que je suis enseignante et je ne dois en aucun cas me substituer à la police, et parce que justement, les toucher c’est la meilleure façon de faire dégénérer la situation et de se prendre un coup, je voulais vous parler de l’un de ces petits scandales quotidiens qui passent complètement inaperçus.
Cette semaine, mes collègues et moi avons fait passer les épreuves orales de Bac en Terminale STG (Sciences et Technologie de la Gestion) et ST2S (Sciences et Technologies de la Santé et du Social). Voici 3 ans que nous avons cessé de fonctionner comme avant, quand nous étions convoqués en juin dans un ou plusieurs autre(s) lycée(s) du département ou de la région pour aller faire passer les élèves de STT d’alors. L’épreuve consistait en la présentation en 20 minutes d’un document, parmi une dizaine étudiés en classe pendant l’année, ce qui rassurait l’élève.
Bon… certes, cela pouvait coûter cher en frais de déplacement, je l’admets, mais il suffisait tout simplement au niveau du Rectorat d’ajuster le tir, en envoyant les profs moins loin, en leur donnant des ordres de mission par exemple dans la même ville ou le même coin, plutôt que de laisser l’ordinateur faire n’importe quoi en nous envoyant à l’autre bout du département, voire à l’opposé extrême de la région comme c’était le cas. Complètement absurde en effet d’envoyer untel à 100km de son bahut, sachant également les risques (accident sur la route, grève SNCF, retard au centre d’examen). Bref, les merveilles d’une gestion non-humaine des ressources humaines dans l’EN…
Seulement… c’est pas beaucoup mieux avec le nouveau système, je dirais même que c’est carrément pire. Maintenant, les oraux, on les fait en mai, sans être rémunérés car ça tombe sur notre temps de service (en faisant sauter des cours, soit dit en passant – qu’on ne se plaigne pas des heures perdues après), et car nos directions rechignent souvent à nous payer en heures sup’ quand les interrogations tombent sur notre temps libre. Certains me diront que ce sont des ‘considérations corporatrices de privilégiés blablabla’, ce à quoi je répondrai à la rigueur ‘ok’ (même si je me demande si vous êtes/seriez ravis de devoir faire des heures sup’ gratos dans votre métier, mais passons).
Par contre, lisez ce qui suit et vous changerez peut-être d’avis: nous interrogeons, en 10 minutes (!!) sur un document iconographique inconnu (!!!), nos propres élèves. Oh, bien évidemment pas ceux que nous avons en Terminale cette année, mais avec un tel système il est inévitable de ne pas tomber sur des élèves qu’on a eus en Première, Seconde, ou en cas de redoublement/ changement de filière. Bonjour l’impartialité.
Voici le texte officiel, fait par des gars absolument pas inquiets des dérives possibles. On lit notamment: ‘Cette partie d’épreuve de langue vivante 1 et de langue vivante 2 fait l’objet d’une évaluation, dans l’établissement des candidats, par les professeurs de cet établissement enseignant les langues concernées. On veillera à ce que les élèves ne soient pas évalués par leurs professeurs de l’année terminale en cours.’
Malgré le nombre de protestations de la part de professeurs (beaucoup d’articles sur le net), il semble que les associations de parents n’aient pas été très émues par ce changement. Or, ce système va totalement à l’encontre du principe de l’examen, de l’interrogation ‘honnête’ qui serait: se retrouver face à des examinateurs totalement inconnus, totalement impartiaux (et si possible dans un lieu inconnu). En nous faisant tout faire sur place, le ministère fait quelques économies, mais il est complètement à côté de la plaque. Je prends pour exemple l’allemand, avec peu de candidats chez nous, et seulement deux profs: les élèves ont forcément eu l’un des examinateurs pendant leur scolarité. Je n’ai aucun doute sur le sérieux de mes collègues, comme ils ne doutent pas un instant du mien, mais est-ce tout simplement normal? Non.
Personnellement, j’attends le jour où un parent procédurier s’intéressera à ce système…
Autres problèmes:
_ les élèves dont on a entendu beaucoup de mal, suite à des problèmes de comportement, un conseil de discipline... C’est inévitable sur une année scolaire. Et ne me dites pas que c’est choquant, parce que dans tous les métiers on parle des brebis galeuses. Il y en a dont on connait les noms sans jamais les avoir eus. Un notamment, que j’ai fait passer (à qui j’ai mis une bonne note parce que c’était tout simplement bien), mais que je n’aurais jamais dû faire passer.
_ les élèves qui font des plans sur l’examinateur avec qui ils vont passer et qui vous demandent hystériquement quelques jours avant l’exam ‘Mr Truc il est sévère?’ ou ‘Madame Machin, elle note vache?’ Et ce n’est pas tout, car après l’épreuve, re-harcèlement: ‘Madame Bidule elle vous a pas dit combien j’ai eu?’, ‘Allez Madame, vous pouvez nous dire nos notes?’ Bien entendu, je ne dis rien. Avec le Bac ancien modèle, on passait l’épreuve sans poser de questions, point barre.
_ le côté ‘désacralisé’ de l’examen. L’élève sort du cours habituel et va passer son oral d’anglais/espagnol/allemand comme s’il s’agissait d’un truc banal. Il est sur place, dans un lieu habituel. Des collègues d’autres matières m’ont demandé si je ne trouvais pas ça dévalorisant par rapport à ma matière. Ben si. Evidemment.
Sans parler des consignes officielles qui sont tout bonnement scandaleuses: on lit dans le bulletin officiel n°36 du 25 septembre 2008 que ‘Celui-ci (le prof) va ensuite partir de ce qu’a dit le candidat, non pour le contredire sèchement…’ Comme si on s’éclatait à les casser à l’oral; au contraire on les encourage, on reformule / par contre quand ils disent quelque chose de faux, il faut bien les contredire, non?
Un peu plus loin: ‘Toute l’épreuve doit être conduite dans un esprit positif, mettant le candidat en situation de confiance et en évitant de le déstabiliser’. D’accord pour le début de la phrase, pas d’accord sur la fin. Nous sommes aussi là pour évaluer son esprit critique, pour tester ses capacités de réaction. Sinon je ne vois aucun intérêt à l’épreuve. D’ailleurs j’insiste toujours en classe sur le fait qu’un commentaire de doc iconographique doit toujours comporter une partie opinion. Mais non… au Ministère on continue dans le royaume de l’enfant-roi en nous priant de toujours plus les ménager.
La preuve: la grille de notation, visible par tous car publique: impossible de mettre une note en dessous de 4/20. L’élève baragouine trois mots/reste silencieux: il a 4 d’office. C’est écoeurant pour l’élève faible mais qui essaie, et qui n’obtiendra guère plus. Sérieusement, vous trouvez ça normal, vous?
Attendez la suite: pour l’écrit, cette année, TOUT se fait au bahut. Nous allons surveiller nos élèves…